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Entretien avec Adrien Bellay, réalisateur du film Low-Tech, les bâtisseurs du monde d'après

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Alors que son documentaire vient de recevoir le Prix Tournesol du Festival du Film Vert (Suisse), Adrien Bellay a répondu à quelques questions sur sa vision de la low-tech et sa façon de faire du cinéma autrement, en accord avec ses valeurs de sobriété et de partage.

Article extrait du n°7 du Low-Tech Journal.

J.T : Salut Adrien. Avant de parler cinéma, peux-tu nous raconter ta rencontre avec la low-tech ?

Adrien Bellay : En fait, j’étais sur la piste des low-tech depuis un bon moment, sans le savoir. Mon premier film, L’Eveil de la permaculture, explorait déjà l’univers de la décroissance, d’un mode de vie plus respectueux des hommes et de la nature, en accord avec les ressources disponibles. On voit déjà dans ce documentaire des low-tech, ici et là (un poêle dragon, une éolienne Piggott…). Ensuite, c’est l'expo En quête d'un habitat durable du Low-Tech Lab (2018), qui m’a permis d’y voir plus clair. Ils avaient mis en scène tout l’univers de l’habitat écolo : toilettes sèches, chauffage solaire, composteur, et douche à recyclage… En déambulant entre les stands de cette expo, je me suis dit que derrière chaque objet se cachait un inventeur et j’ai eu envie de faire un film pour partager leurs histoires de vie. C’était la suite logique de la permaculture. Après avoir interrogé les relations entre l’homme et la nature, c’était le moment de s’intéresser aux interactions entre l’homme et les technologies. Une autre façon de tracer de nouvelles lignes de fuite pour imaginer le monde d’après.

J.T : À propos de permaculture, en as-tu appliqué certains principes pour réaliser ce film ?

A.B : Tout à fait, notamment le principe d'intégrer plutôt que séparer. J'ai cherché à réunir, grâce à  la narration et au montage, des alternatives qui d’habitude ne cohabitent pas; mais qui vont pourtant dans la même direction. Je pense que c’est l'enjeu des prochaines années : fédérer, créer des alliances, faire que des îlots de résilience puissent communiquer, échanger, converger et amplifier la dynamique. Il faut rester sur nos gardes : les Villes en Transition, la permaculture, les low-tech peuvent vite tomber dans l’oubli !

J.T : Venons-en à la question qui fâche. Comment as-tu concilié la démarche low-tech avec les exigences technologiques du cinéma ?
 
A.B : Assumer ce paradoxe n’est pas simple ! Le cinéma est un art hautement technologique, les caméras sont bardées de composants électroniques  complexes, la plupart made in China. J'ai même imaginé mettre en scène une équipe de tournage qui convertit peu à peu son équipement à la low-tech. Mais j'ai préféré donner la part belle aux autres personnages de la low-tech. Concrètement, on a tourné en équipe réduite de quatre, avec un équipement léger (deux cams, une steadycam, un drone et une perche). Nous avons tout filmé en France, effectué tous nos trajets en train ou en combi van, et réduit le tournage à 45 jours. Un mode de production modeste avec une empreinte carbone particulièrement faible. Après, il faut rester lucide : l’industrie audiovisuelle reste high-tech, extrêmement polluante et gravite très loin des préoccupations low-tech ! Et dans une perspective low-tech, le théâtre semble plus adapté à un monde décroissant et plus sobre en énergie. Je pense notamment au spectacle itinérant et immersif en autonomie d’énergie intitulé Oniri de la compagnie Organic Orchestra qui montre une autre voie. Mais, pour ma part, j’aurais du mal à vivre sans cinéma, sans Jacques Audiard, sans Ken Loach ou Denis Villeneuve. Je pense qu’il faut se battre pour préserver les belles choses de ce monde. Peut-être que si on bosse intelligemment, avec modération, on pourra émerveiller avec sobriété !

J.T : Tu parlais de matos. J'ai lu que Barnabé Chaillot (le youtubeur D.I.Y) vous a donné un coup de main pour bidouiller un bras de caméra...

A.B : Oui ! On voulait tourner un plan embarqué à bord du Combi Volkswagen. Mais pour ce genre de plan, il faut un bras qui atténue les vibrations. Un équipement très high-tech et très cher. Ni une ni deux, Barnabé nous a fabriqué un système en bois fixé au van (cf photo ci-dessus), avec un petit dispositif de stabilisation. Un vrai génie créatif ! Une autre fois, on s’est retrouvé en rase campagne sans batterie. Plus de GPS pour s'orienter. On n'avait pas de carte papier. Alors on s’est perdu, et, à la tombée du jour, on s’est retrouvé dans une lumière magnifique... et on a tourné de beaux plans de ce décor à couper le souffle. Moralité, sans l’aide des high-tech, on laisse une place à l’imprévisible, et à la beauté !

J.T : Justement, certains reviennent à l'argentique. Aimerais-tu revenir à la pellicule, au montage à l'ancienne ?

A.B : J’avoue ne pas avoir connu cette époque. Même tout petit, j’avais une caméra numérique entre les mains. Le numérique a révolutionné le cinéma. Je n’aurais jamais pu tourner L'Éveil de la Permaculture sans ça. C'est aussi un des messages du film : tout n’est pas à jeter dans le progrès technologique ! Mais c'est vrai que les outils argentiques poussaient à la sobriété. On tournait moins, on préparait plus en amont. La morale de l’histoire, c’est peut-être qu’il faut continuer de tourner avec nos moyens actuels, mais de façon plus raisonnée, en tournant moins, en basses résolutions, avec moins de consommables, de batteries, etc...
 
J.T : Et, pour finir, as-tu quelques bons films à conseiller à nos lecteurs ?

Oui, plein ! Captain Fantastic, de Matt Ross, Night Moves de Kelly Reichardt, Woman At War de Benedikt Erlingsson, qui explorent la vie en autarcie ou l’activisme radical.  Il y a aussi Tous au Larzac de Christian Rouaud et Nul homme n'est une île de  Dominique Marchais. Ce sont tous des films incroyables !

L'avis de la rédac

Je hais mon imprimante, Adrien Bellay aussi. Cette grosse boîte noire (au sens propre comme figuré) incarne la "tech". Des machins à obsolescence programmée, irréparables by design.
Pourtant, j'aime les imprimantes 3D. Les makers des fab-lab et Barnabé Chaillot, le youtubeur-bricolo, aussi...
Ce paradoxe sera le fil d'Ariane de ce docu, beau à regarder et à écouter.
Un paradoxe que Bellay a l'intelligence de ne jamais chercher à  résoudre. Au contraire. En bon permaculteur, il le cultive. On passe des postes de soudure gris de l'atelier paysan, aux containers-usines blancs où naissent les voitures Gazelle.
Le film dresse des ponts entre les îlots de l'archipel des low-tech.  
Il interroge, il émerveille, il donne à voir à ceux qui découvrent le concept.
Et donne à réfléchir à ceux qui sont dedans jusqu'aux coudes.
Alors n'hésitez pas à emmener la famille et les amis avec vous  !

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Commentaires (1)

legarsdusud

j'ai vu ce film à l'Utopia de Toulouse. il était suivi d'un débat.
je me suis pas fait des copains à cette occasion car j'ai joué le rôle du "critique".
En effet, j'ai été tout de même déçu et surpris par quelques passages.
celui qui m'a étranglé c'est la voiture "gazelle" qui n'a rien de "low tech" , ce n'est jamais qu'une voiture (pas encore homologué et là je lui souhaite du courage avec la DRIRE) avec des batteries au lithium , un peu plus légère certes mais une bagnole tout de même.
la "liseuse de compte" pour enfant, n'est qu'un jouet high tech avec force mémoire flash et microcontroleur dans une boite en plastique (peut être biodégradable ça on ne sait pas)... comme si un parent "lowtecheux" allait abandonner la tradition de l'histoire "dite" le soir....
A la rubrique ... je produis mon énergie avec l'Eolienne Pigott , c'est sympa mais le premier plan montre des aimants au neodyne... terre rare et pas du tout low tech... encore raté!
après j'ai parlé du respect des normes en tout genre et j'ai clairement senti la crispation... ben oui parce que les plans où on voit des stagiaires disquer / meuler sans EPI (lunettes, casque, gant, masque etc...) ben... ça fait mal! le Lowtech ne doit pas déroger à la sécurité.
L'agriculteur qui fait sa propre machine, c'est bien, je n'en doute pas, malheureusement toute la pignonerie est accessible ..... gare à l'accident si un employé agricole en est victime !
J'ai aussi fait remarquer que faire son propre gaz avec un digesteur, c'était bien... mais il fallait garder à l'esprit que l'on devait se soumettre aux ATEX.
Les normes sont là pour nous protéger , elles sont susceptibles d'évoluer aussi.

Je précise , avant de me prendre une volée de bois vert, que je suis partisan du mouvement .

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