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Prévention et discernement technologique. On parle de médecine intégrative avec le Dr Alain Toledano

toldano

Et si la médecine intégrative venait au secours de notre système de santé en voie d'effondrement ?

Scanner, téléconsultation, Xanax... Notre santé dépend de technologies de pointe. Vous avez mal au dos ? Allez passer une IRM ! Vous avez des douleurs chroniques ? Gobez des cachets ! Mais que se passera-t-il le jour où, faute d’énergie, faute de composants électroniques et faute de pilules made in china, nous ne serons plus capables de nous soigner ?            

Diagnostic pessimiste

Le constat est le suivant : en matière de santé nous sommes sans cesse à la recherche d’une hausse des performances. En utilisant les nouvelles technologies nous avons augmenté notre capacité à soigner et donc à vivre plus longtemps. Tout cela n’est possible que grâce à l’accès à une énergie abondante et peu onéreuse. Mais voilà, la guerre en Ukraine, le réchauffement climatique et, en général, la dépendance des pays à l’importation des ressources nécessaires nous plongent en pleine crise énergétique. La crise est également sociale : baisse constante du budget alloué aux hôpitaux, fermeture des lits et épuisement du personnel médical qui démissionne en masse. Résultat ? La crise de la santé publique se profile à l’horizon. Et ceci entraînera non seulement une baisse de la performance de la médecine mais creusera également le fossé des inégalités entre ceux qui pourront encore s’offrir la technologie médicale et ceux qui, faute de place et de moyens, ne le pourront plus. Face à la crise de la médecine moderne nous ne serons pas tous logés à la même enseigne.

Un autre parcours de soins

L'idée n'est pas de remplacer l’IRM par un système à pédale, l’ECG par une éolienne cardiogramme ou les laboratoires d’analyses médicales par un kit DIY du petit chimiste ! Évidemment, non. Il s’agit de repenser entièrement notre expertise médicale occidentale. Pour en finir avec la médecine en silo centrée sur la maladie, le docteur Toledano et ses équipes font le pari de mettre l’accent sur l’intégration. Voilà ce que propose la médecine intégrative : une refonte de la doctrine avec une attention particulière portée sur l’individu et son projet de vie. L’objectif est d’arriver à transformer le système de santé sans qu’il ne soit forcément préempté par la technicité. Plutôt low-tech non ?

Retrouvez l'intgralité de notre dossier sur la Médecine Intégrative dans le n°6 du Low-Tech Journal (ici en version numérique)

Pour compléter notre énquête, avons rencontré le Dr Alain Toledano, médecin cancérologue et radiothérapeute. Depuis 2018, il co-dirige l’Institut Rafaël à Paris. Au sein de l’Institut, considéré comme le premier centre européen de médecine intégrative, il n’est plus question de couper la parole aux patients au bout de 23 secondes ni de s’en tenir à la prescription de médicaments. L’établissement s’applique à co-construire avec chaque patient des parcours d’accompagnement coordonnés. Les parcours de santé proposés sont encadrés et vont être orientés vers la nutrition, les émotions, l’activité physique, le bien-être et le retour à l’emploi. En tout, ce sont 90 soignants de 40 disciplines qui travaillent ensemble main dans la main. En cinq ans, l’Institut a offert 70 000 soins évalués en montrant que l’on pouvait diminuer de 60 % le taux de dépression sans médicament, le sentiment d’isolement, les troubles du transit et les troubles du sommeil.

Low-Tech Journal : Vous dites avoir fait le constat d’un décalage entre la demande des patients et l’offre de santé. Est-ce cela qui vous a orienté vers une médecine intégrative ? Est-ce la conséquence d’une expérience personnelle en tant que médecin ou patient ?

Alain Toledano : Tous les médecins connaissent la frustration de ne pas avoir tous les outils pour soulager au mieux leur patient. Maintenant, on a besoin de nos outils actuels - on ne les rejette pas au contraire - mais pour mieux les utiliser, il faut arriver à regarder le patient et à l’accompagner sur plusieurs dimensions. La médecine, c’est l’ensemble des connaissances scientifiques et des moyens de tous ordres qui sont mis en œuvre pour soulager, prévenir et traiter les maladies, les blessures et les infirmités. Avec des mots on soigne, mais avec des mots on tue. Nous ne sommes pas que des prescripteurs de médicaments. Moi, en tant que cancérologue, j’ai besoin d’avoir une équipe et de donner du temps au patient. Le temps, c’est de la qualité. Bien sûr, je vais prescrire ma chimiothérapie, mais ce n’est pas suffisant. Il faut une dynamique centrée sur le patient. Une santé plus efficiente n’est pas forcément plus coûteuse. Au contraire, on parle sur le plan médico-économique d’une dynamique qui devrait être bénéfique parce que 40% des cancers et 80% des maladies cardio-vasculaires sont évitables si on travaille sur l’alcool, le tabac, la sédentarité et le surpoids. Donc aujourd’hui, la médecine intégrative va de la prévention à la réhabilitation en passant par le soin. Pour qu’elle devienne un levier de transformation, on a besoin de bien la raconter.

CB : Les formations à la faculté de médecine en France évoquent la médecine intégrative ?

AT : Je fais partie de la clinique CUMIC (collège universitaire de médecine intégrative et complémentaire) qui est présidée par le professeur Julien Nizard à Nantes et effectivement, il y a un item pour l’interne en médecine sur ces médecines complémentaires. Sur le plan académique, c’est désormais reconnu et validé comme étant important à enseigner. Cela ne veut pas dire que tous les contenus sont écrits. Il nous faut progresser dans les connaissances. Par exemple, comment la méditation ou l’hypnose va pouvoir donner des résultats dans les prises en charge de la douleur. Il va falloir écrire des histoires scientifiques nouvelles.

CB : Quels sont, selon vous, les verrous à lever au sein du système français pour le développement de la médecine intégrative ?

AT : On a besoin de rationaliser nos actions pour démontrer la valeur. Si vous devez rationaliser les actions, il faut mener des études. Cependant, nous avons de très faibles budgets de recherche sur les interventions non médicamenteuses. Et puis il n’y pas que le budget. Il y a aussi une histoire culturelle. Les gens sont formés à traiter la maladie. Ce que l’on veut ce n’est pas seulement traiter la maladie mais traiter le patient. Le premier frein n’est pas financier, il est culturel. Après, il s’agit d’allouer des ressources dédiées à la formation, à la transformation, à la recherche. Donc c’est tout un mode de pensée et une dynamique d’accompagnement, finalement une logique d’intégration. En fait, on n’est pas bon que dans ce que l’on fait, on est bon quand on arrive à synthétiser ce qu’il faut faire pour le patient et à travailler en équipe autour de lui.

CB : Un des effets de la médecine intégrative est de réduire la consommation de médicaments. Est-ce la raison pour laquelle il y a peu de financement dans ce domaine ?

AT : Je pense qu’il faut rendre hommage à une industrie pharmaceutique qui nous aide à développer l’innovation. En cancérologie, il y a une centaine de nouveaux médicaments par an et si nous n’avions pas cela, on aurait moins d’espoir de traiter les maladies. On ne peut pas demander à une industrie qui développe des médicaments de porter sur elle tous les développements en santé. Le financement de la recherche aujourd’hui est essentiellement privé et industriel.

CB : Selon vous, est-ce que l’on en fait assez au niveau de la prévention ?

AT : Non. 40% des cancers et 80% des maladies cardiovasculaires sont évitables mais 3% des budgets sont alloués à la prévention. Donc on ne peut pas dire qu’on en fait assez. La prévention ça passe par l’éducation, la formation et on doit travailler sur des facteurs comportementaux comme les addictions (tabac, alcool, réseaux sociaux…) mais ça peut être aussi l’exposition à la lumière bleue des écrans. Il y a également les facteurs environnementaux. Quand vous vivez au-dessus de 55 décibels par jour, vous augmentez le risque cardiovasculaire. On sait que la pollution est un facteur de risque de cancer du sein. Tout est utile en prévention. Aujourd’hui, on a augmenté l’espérance de vie à plus de 80 ans. Très bien. Mais on n’a pas augmenté l’espérance de vie en bonne santé. On ne peut pas continuer à créer comme ça des cohortes de maladies chroniques ! Il faut chercher de la qualité de vie, pas de la quantité de vie.

CB : Auriez-vous un exemple qui illustre la médecine intégrative dans sa volonté de mêler médecine conventionnelle et médecines complémentaires ?

AT : Par exemple, un patient qui a des nausées. Bien sûr qu’il existe des médicaments anti nausées, mais est ce qu’il n’y aurait pas intérêt à faire de l’acupuncture ou des exercices de respirations ? Ça ne veut pas dire qu’il faille tout faire à tout le monde et que ça marche forcément. Mais il faut se poser des questions, trouver des indications, des critères y compris quand il n’y a pas de médicaments. Cela nécessite qu’il y ait une recherche, une scientifisation de cette approche. Il y a une société savante qui s’appelle NPIS qui propose des recommandations sur les méthodologies d’évaluations d’interventions non-médicamenteuses. Nous avons une bonne couverture territoriale avec une bonne dynamique en croissance qui mériterait d’être accompagnée sur le plan politique.

CB : Monsieur Toledano, merci pour le temps que vous avez accordé au Low Tech Journal, est-ce que vous auriez un dernier message à faire passer aux lecteurs ?

AT : Je tiens à souligner que si l’on continue à traiter des maladies au lieu des patients, nous n’aurons pas de place pour la prévention. Il y a des plans à mettre en place pour arriver à avoir une prévention efficiente et qui fasse partie d’une médecine plus intégrative.

Le Docteur Toledano oeuvre également au centre de radiothérapie Hartmann.

 

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